Et si les stands de tir résonnaient davantage? La Suisse renforce son armée et s’attaque aux normes anti-bruit qui «limitent» la formation des soldats. Le Parlement parle d’économiser sur l’insonorisation des places militaires. Réactions à Bôle et Rochefort.
«C’est un coup dur.» Grégoire Chabloz Zmoos, porte-parole des riverains des stands de tir de Bôle et Rochefort, a appris la nouvelle avec stupéfaction. Les places de tir militaires pourraient être encore plus bruyantes à l’avenir en Suisse.
Ce mercredi 18 septembre, sous la Coupole fédérale, le Conseil des Etats s’est attaqué aux normes anti-bruit qui «limitent la formation des soldats».
Par 27 voix contre 12, il a accepté un postulat de la Commission de politique de sécurité demandant de réexaminer les prescriptions contre le bruit dans le domaine militaire.
«Période de paix terminée»
Cette décision s’inscrit dans un contexte de renforcement de la défense helvétique. Le Parlement vient d’accepter d’augmenter le budget de l’armée de 4 milliards de francs pour 2025-2028.
«La guerre en Ukraine a exacerbé la situation sécuritaire en Europe. La capacité de défense de l’armée doit être reconstruite et renforcée, également en Suisse», selon Werner Salzmann (UDC, BE), porte-parole de la commission.
«Les réglementations actuelles en matière de protection contre le bruit dans le secteur militaire sont le produit d’une période de paix qui s’est terminée brusquement en Europe. Elles restreignent la formation de nos soldats.»
Economiser sur l’insonorisation
Accepté par une majorité bourgeoise, le postulat demande aussi au Conseil fédéral d’examiner les économies possibles dans les mesures d’insonorisation. Objectif: utiliser ces moyens pour des dépenses «nécessaires au renforcement de la capacité de défense».
Le Conseil fédéral était favorable au texte. «La formation au tir réel reste un élément central pour une formation crédible», a déclaré Viola Amherd, cheffe du Département fédéral de la défense. «Cela entraîne inévitablement des nuisances sonores.»
Sénateurs neuchâtelois opposés
Sensibles à cette problématique, les deux conseillers aux Etats neuchâtelois, Céline Vara (Les Verts) et Baptiste Hurni (PS), se sont opposés au postulat. En vain.
La sénatrice écologiste a souligné les effets négatifs des bruits de tir sur la santé des riverains: «Les revendications de la population sont légitimes et nous devrions les écouter.»
«Ces nuisances sonores ont une incidence sur notre santé physique et psychique. Le corps est sous stress chronique.»
GRÉGOIRE CHABLOZ ZMOOS, PORTE-PAROLE DES RIVERAINS DES STANDS DE TIR DE BÔLE ET ROCHEFORT
Parmi les solutions existantes, Céline Vara a évoqué «des couloirs fermés et des halles de tir insonorisées».
Corps sous stress chronique
Pour les riverains des stands de tir de Bôle et de Plan-du-Bois (entre Rochefort et Bôle), la décision du Conseil des Etats traduit «un régime de la peur».
Depuis 2022, une centaine de citoyens, réunis au sein de l’association Tous unis pour des stands de tir responsables, se battent contre les nuisances sonores dont ils sont victimes.
«Ces nuisances ont une incidence sur notre santé physique et psychique. Le corps est sous stress chronique», résume Grégoire Chabloz Zmoos, président de l’association. Il évoque également la dévaluation des biens immobiliers autour des zones de tirs.
Tunnels de tir installés
Les exercices de l’armée et de la police neuchâteloise se sont intensifiés ces dernières années sur ces stands de tir, propriétés du Canton.
«Nous dialoguons avec les autorités. Les horaires de tir ont été adaptés et des tunnels, réduisant les décibels, ont été installés début 2024 à Bôle», rappelle le porte-parole des riverains. «Malheureusement, ces mesures n’ont pas modifié le harcèlement sonore que nous subissons.»
Pour Grégoire Chabloz Zmoos, l’intensité des tirs est un problème: «Les mesures sonores sont faites pour un tir à la fois. Mais quand plusieurs personnes tirent en même temps, ça augmente les décibels!»
Une nouvelle séance entre les riverains et les autorités cantonales est agendée à la mi-octobre.
Valeurs limites non respectées
Mercredi au Parlement, la conseillère fédérale Viola Amherd a encore indiqué que les valeurs limites de l’Ordonnance sur la protection contre le bruit n’étaient actuellement pas respectées pour environ 40 stands de tir sur 140, en Suisse.
Son département «examine les mesures» qui permettraient de respecter ces valeurs limites.
«Il convient toutefois de préciser que des réclamations liées au bruit émanent parfois de la population même lorsque les valeurs limites sont respectées, comme c’est le cas pour les places de tir de Bôle et de Plan-du-Bois, dans le canton de Neuchâtel.»
©ARCINFO
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