Elle habite très près des places de tir de Plan-du-Bois; trop près pour y vivre heureuse: Dominique Zmoos témoigne de son calvaire dans un livre récemment paru «Tirs de guerre en pays neutre». Rencontre et lecture éloquentes.
Ce n’est pas un simple récit, c’est un cri de désespoir. Le cri d’une femme: «J’avais besoin de faire sortir toute cette violence qu’on me fait subir, qui mal- mène mes enfants. J’ai vomi ce livre!» Dominique Zmoos souhaitait s’apaiser, se souvenir de la vie d’avant, «la vie sans tirs constants, sans sursauts quotidiens, sans détonations répétitives». Avec sa famille, elle habite à Crostand, à 850 mètres des «infrastructures de tir de Plan-du-Bois», pour reprendre la dénomination du Service cantonal de la sécurité civile et militaire. En fait, deux places de tirs dont «Littoral Région» a déjà évoqué les nuisances, dénoncées par des riverains à bout.
Le paradis de Dominique Zmoos, malheureusement
trop proche de Plan-de- Bois. Photo Jacques Laurent
De l’agacement progressif à l'épuisement chronique
«Des documents officiels le disent, le bruit des tirs rend malade, mais on nous explique que c’est aux normes», s’insurge Dominique Zmoos, «alors que depuis 2017, les déflagrations sont plus fortes, plus nombreuses et plus violentes. Mon livre, c’est une façon d’exprimer ma rage, ma haine à l’égard de ce harcèlement». Intitulé «Tirs de guerre en pays neutre», mais aussi et plus explicitement sous-titré «Quotidien insoutenable aux abords de places
d’armes», l’auteure raconte comment elle a «glissé» dans la dépression, sans d’abord comprendre que les tirs en étaient responsables. «J’avais des angoisses, le cœur qui tapait, je n’avais plus de recul.» Elle écrit: «La conscience que j’avais de cet envahisse- ment sonore n’était à cette époque pas très claire.» Quelques chapitres plus loin, elle soupçonne: «De l’agacement progressif à l’épuisement chronique en passant par les nombreux problèmes de santé difficiles à mettre en lien avec la situation.» Puis elle comprend: «Je vis douloureusement (...). Les journées se déroulent avec leurs éternels concerts de POC POC POC et de TATATATA, trouant le ciel et nos cœurs, ainsi que nos corps souffrants.»
La «torture» que «les autorités refusent de reconnaître»
Bien sûr, Dominique Zmoos a tenté de réagir. Elle a acheté sa ferme pour «vivre dehors», pour travailler avec des chevaux: elle est equicoach, utilisant la relation entre l’homme et le cheval pour favoriser le développement personnel, un métier qu’elle ne peut plus exercer dans ces conditions.Elle décide de prendre des vacances, de consulter ou même de se réfugier dans un monastère bouddhique. Sur- tout, avec celles et ceux qui endurent les nuisances de Plan-du-Bois, elle crée l’Association pour des stands de tir responsables (STR), un collectif qui nourrit ses espoirs, mais génère des frustrations: entre soulagement de partager son calvaire avec les voisins des stands et désespoir de dénoncer une situation que «les autorités refusent de reconnaître». Il y a des mots très forts dans le témoignage de Dominique Zmoos, des mots qui décrivent sa souffrance. Il y a des scènes très dures dans ce livre, des scènes où elle entraîne ses proches dans son malheur. Il y a une atmosphère poignante dans son récit, une atmosphère d’autant plus pénible que même le fait d’avoir mis en mots sa «torture» ne semble rien devoir arranger... sauf si le rêve de Dominique Zmoos, celui qui a permis de mettre fin au récit, devient réalité.
Jacques Laurent
«Tirs de guerre en pays neutre», Dominique Zmoos, disponible via dominiquezmoos.livre@gmail.com; séance de dédicace samedi 27 avril, de 10 h à 12 h (Payot Neuchâtel)
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